Des plantes compagnes oui, mais prudence !
L'idée selon laquelle toutes les plantes sont inoffensives est vous le savez éronée, et le nombre important d'appels aux centres antipoison pour des intoxications avec des plantes en atteste.
J'ai choisi de vous parler des intoxications les plus fréquentes et tout particulièrement des usages à risque de certaines de nos "compagnes".
Quelques recettes redevenues courantes - photo prise à l'écomusée de Cuzals - Lot
Dans le cadre de l'exposition 'Plantes et Compagnie' de l'écomusée de Cuzals, je vous initierai à la prudence sur un certain nombre de plantes les 8 juillet et 26 août 2018 lors d'une balade botanique sur le site.
Photo expo "Plantes et compagnie" à l'écomusée de Cuzals - Lot
Mi-juin et les corymbes du sureau noir sont bien épanouis, ils exhalent un parfum de miel et de foin fraîchement coupé. Par temps de grand soleil, il est difficile de résister à une cueillette gourmande pour la réalisation de sirops, limonades ou gelées...
Photo expo "Plantes et compagnie" à l'écomusée de Cuzals - Lot
Je réalise tous les ans le délicieux sirop de sureau,
vous trouverez ma recette sur le lien ci-dessous :
Prudence lors de la cueillette :
Les inflorescences de sureau noir (Sambucus nigra) ressemblent beaucoup
à celles du sureau hièble (Sambucus ebulus) très toxique.
2 critères doivent vous mettre en garde :
- le sureau noir est un arbre alors que le sureau hièble a un port herbacé (c'est une vivace de grande taille).
- les baies de sureau noir pendent, alors que les baies de sureau hièble sont en grappes érigées.
La majorité des intoxications se produisent avec les baies qui se récoltent pour réaliser sirops et confitures aux propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires et antigrippales. Par exemple, le centre antipoison de Lille recense une quinzaine d'intoxications au baies de sureau hièble tous les ans.
Tous les cas sont survenus chez des enfants : pour 17 cas, 13 ont souffert de vomissements, 3 enfants se sont plaints de douleurs digestives et 1 enfant a présenté des nausées. Le nombre de baies ingérées est difficile à quantifier.
Autre recette courante : les beignets de fleur d'acacia (Robinia pseudoacacia)
Certes acacia et cytise appartiennent à la même famille des fabacées et se ressemblent comme deux gouttes d’eau, mêmes feuilles, mêmes inflorescences en grappe à la couleur près.
Mais l’un est délicieusement comestible et l'autre terriblement toxique.
Le jaune, le cytise n’est que poison dans toutes les parties de la plante : fleurs, feuilles, graines...
De même, les enfants récoltent parfois les graines de cytise pour jouer à la dînette et courent ainsi un risque d’intoxication à la cytisine, une toxine proche de la nicotine.
Les intoxications accidentelles chez l'enfant sont rarement graves : les quantités ingérées sont le plus souvent faibles, stoppées après l'ingestion de deux graines par l'apparition rapide de vomissements sanglants et crampes abdominales.
De même, une projection de suc de la plante dans l’œil peut entraîner une lésion de la cornée.
Glycine à l'entrée du musée de Cuzals - Lot
Dans cette famille des fabacées, la glycine est également une plante toxique.
Ici aussi, ce sont les graines qui sont le plus souvent en cause dans les accidents chez l’enfant. Il s’agit dans la plupart des cas de l’ingestion de quelques graines avec de graves troubles digestifs identiques à ceux constatés avec le cytise.
Les graines contiennent une glycoprotéine toxique, la lectine. Le nombre d’intoxications décrites reste assez limité.
Glycine blanche dans mon jardin
Un appel courant aux centres antipoison, l'étonnante confusion
des marrons avec les châtaignes !
D'ailleurs, les responsables du musée de Cuzals racontent avoir du appeler les pompiers pour un cas d'intoxication d'un jeune visiteur ayant ingéré des marrons !!!
Chataîgnes, Castanea sativa
Nous poursuivons notre balade sur le site du musée de plein air de Cuzals où pousse la Germandrée petit chêne, une herbacée aux propriétés drainantes bien connues et ayant figuré dans les gammes de phytothérapie jusqu'en 1992.
Plusieurs cas d'hépatites cytolytiques déclarés aux centres de pharmacovigilance ont fait de la Germandrée petit chêne le premier exemple de retrait du marché d'une plante en France.
Non loin, sur cette terre calcaire du Lot, pousse abondamment l'Euphorbe petit cyprès.
Toute la plante est toxique, mais ce sont les tiges sécrétant un latex irritant qui représentent le risque le plus élevé de brûlure et d'oedème.
A éviter absolument dans vos bouquets !
Le lierre grimpant figure parmi les cas graves d'intoxications déclarés aux centres antipoison.
L'ingestion de 2-3 baies chez l'enfant provoque des sensations de brûlure de la bouche, hypersalivation, vomissements et diarrhées abondantes.
Une ancienne tonnelle récemment installée au coeur de l'écomusée chemine entre
les plantes médicinales.
L'angélique bien connue pour ses propriétés digestives se dresse distinctement.
Elle fait malheureusement encore trop fréquemment l'objet de confusion avec la très toxique cigüe.
L'Angélique se distingue de la Grande Cigüe par ses feuilles qui sont de grandes folioles larges et ovales. Alors que celles de la Grande Cigüe sont plusieurs fois divisées en fines folioles.
Mais les risques les plus importants pour les Cigües proviennent de la confusion avec les Cerfeuils et la Carotte sauvages.
Rappelons que les Petites et Grandes Cigües (Aethusa cynapium et Conium maculatum) ont respectivement des rayures ou des tâches foncées sur leur tige qui par ailleurs sont glabres et creuses.
Le Cerfeuil des bois (Anthriscus sylvestris) et la Carotte sauvage (Daucus carota) ont des tiges pleines, velues et sans tâches.
On peut utiliser les jeunes feuilles de cerfeuil pour la cuisine ; de même les tiges pelées et découpées en cubes sont un régal à l'apéro !
La racine de la Carotte sauvage peut être mangée la première année avant la floraison.
Attention, la racine de cerfeuil contient des composants antimitotiques et abortifs.
Les signes d'intoxication à la Cigüe sont principalement des vomissements répétés, des troubles gastro-intestinaux et des vertiges, puis convulsions, paralysies et insuffisance respiratoire pouvant entrainer la mort.
Pour information les souches Aethusa cynapium et Conium maculatum sont respectivement indiquées en homéopathie dans le traitement des vomissements et des vertiges rotatoires (selon le principe bien connue de la loi des contraires).
Regardons à présent de près les mille petits trous qui maculent la feuille de millepertuis !
Utilisée en voie orale dans les troubles dépressifs mineurs, elle doit être associée avec prudence aux autres médicaments, notamment avec les contraceptifs oraux et les anticoagulants dont elle modifie l'effet.
Après avoir appliqué localement son huile rouge pour apaiser et cicatriser les brûlures, toute exposition solaire est à proscrire car la plante est photosensibilisante.
Photo expo "Plantes et compagnie" à l'écomusée de Cuzals - Lot
La cueillette de l'asperge sauvage est courante dans le sud-ouest. Il s'agit des jeunes pousses du Tamier communément appelé dans le Quercy "respounchous".
La pointe de cette liane est serrée comme celle d'une asperge. C'est cette partie que l'on cueille sur une longueur de dix à quinze centimètres. La cueillette s'arrête lorsque la pointe s'ouvre et se divise en feuilles ou boutons floraux et que la tige se lignifie devenant alors toxique.
D'autre part, en même temps que les jeunes pousses sont consommées, le reste de la plante est toxique.
On cueille deux variétés de respounchous, une à tige verte, une à couleur marron-violet.
Un peu moins fréquent dans notre région, bien que l'on trouve de belles stations vers Rocamadour, l'Ail des ours, figure en bonne place des recettes qui redeviennent à la mode, notamment le fameux pesto !
Les feuilles de l'ail des ours dégagent un puissant parfum d'ail, elles sont comestibles.
Photo expo "Plantes et compagnie" à l'écomusée de Cuzals - Lot
Avant la floraison, les feuilles d'ail des ours sont parfois confondues avec celles du muguet (Convallaria majalis) et du colchique (Colchicum autumnale), deux espèces très toxiques.
Le muguet contient également des substances toxiques ayant une action néfaste sur le cœur.
Le colchique contient de la colchicine, une substance très toxique et même mortelle.
L'ail des ours, tout comme le muguet, aime les endroits boisés.
Le colchique pousse surtout dans les prairies et à la lisière des bois.
L'ail des ours, le muguet et le colchique ont des feuilles d'une forme elliptique assez semblable qui est à l'origine des confusions.
L'ail des ours : deux feuilles en forme d'ellipse poussent à la base de la plante sur des tiges séparées.
Le muguet possède deux (parfois 3) feuilles rigides, sur une même tige.
Les feuilles du colchique sont plus rigides, sans tige.
Si d'autres feuilles se mêlent aux feuilles d'ail des ours, l'odeur d'ail peut se transmettre à l'ensemble de la cueillette et favoriser la confusion.
Photo expo "Plantes et compagnie" à l'écomusée de Cuzals - Lot
La transmission de la reconnaissance des plantes entre les anciennes et jeunes générations s'avère donc indispensable pour transmettre en toute sécurité nos recettes familiales issues de la nature.