Le Parc de Sans-Souci - Potsdam
Je vous emmène à Potsdam, la ville résidence des rois de Prusse, à 24 km au sud-ouest de Berlin. Nous nous y rendons en train depuis Berlin, le trajet dure 40 minutes.
Potsdam, préférée par Frédéric II à Berlin, exhale un charme baroque et néoclassique envoutant avec ses façades peintes, ses places pavées et ses immenses parcs.
Nous louons des vélos juste à côté de la gare pour rejoindre le parc de Sans-Souci à 15 minutes de là, et parcourir ensuite ses 289 hectares.
Le parc de Sanssouci se présente comme un ensemble de châteaux et de jardins, commencé au XVIIe siècle par Frédéric le Grand et agrandi au XIXe siècle par Frédéric Guillaume IV. L'ensemble est inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco.
Prospectus et guides proposent les deux orthographes : Le parc de Sans-Souci ou Sanssouci.
La vue en arrivant au travers de la forêt sur le Palais de Sans-Souci est saisissante de majesté !
Le château de Sanssouci, résidence d'été de Frédéric le Grand ou le Versailles allemand, version rococo, fut inspiré par le Grand Trianon de Versailles et conçu pour y mener une vie simple, champêtre et sans souci au sens premier du terme, loin des intrigues de la cour.
Cet ensemble est l'illustration de ce que peut faire un monarque fortuné bénéficiant des dernières avancées des architectes et artistes les plus en vus de son temps. Le caractère de Frédéric le menait cependant à encadrer étroitement les projets afin qu'ils correspondent au mieux à ses propres souhaits.
Libéré de toute construction existante, Frédéric II (ou Frédéric le Grand), roi de Prusse de 1740 à 1786, peut ici laisser s'exprimer sa créativité et allier les beautés de l'architecture aux charmes de la nature.
Parmi l'ensemble des châteaux et édifices qui jalonnent le parc de Sanssouci, le Château de Sanssouci est le plus spectaculaire !
Le château surplombe six terrasses plantées principalement de vignes, de figuiers, et de quelques autres fruitiers.
De forme concaves orientées vers le sud, elles recevaient un ensoleillement maximal.
La cuisine de Frédéric II n'était pas austère, sa table était variée sans jamais manquer de fruits frais que le monarque affectionnait.
La conception de l'ensemble est à mes yeux un bijou d'architecture et d'audace, témoignant des penchants du Roi pour les nouvelles libertés révélées durant le siècle des lumières. Il en fut l'un des artisans en y invitant quantité d'esprits libres et de haute volée.
Oser planter une succession de pieds de vignes et de fruitiers en alternance sur sept longues terrasses et pouvoir se projeter sur l'harmonie que cela produirait relève d'une imagination poétique et affûtée ainsi que d'un goût pour l'innovation témoignant ainsi de l'ouverture d'esprit d'un souverain atypique pour son époque.
Des panneaux de verre, comme de mini-serres enserrent les figuiers dans des niches.
Cette visite automnale nous gratifie d'une alternance de couleurs rouge et vert-jaune des feuillages de la vigne et des figuiers dont se réfèrent les dorures de la bibliothèque où rares étaient les visiteurs admis.
Une amie me fait remarquer à juste titre que l'effet était moins spectaculaire lors de sa visite printanière à Sanssouci ; la végétation étant trop précoce pour la mise en valeur recherchée des divers tableaux de couleurs.
L'originalité du vignoble (une innovation dans un jardin !) en espalier donne son sens à l'ensemble. La référence à Bacchus, dieu du Vin et du Plaisir, est rappelée par les cariatides et les grappes de raisin qui ornent la façade.
D'ailleurs Frédéric II appelait son château "mon petit cellier" !
Aucun autre château n'est autant associé au personnage de Frédéric le Grand que sa résidence d'été de Sanssouci où il cherchait à retrouver l'esprit des plus belles années de sa vie à Rheinsberg.
C'est ici que Frédéric le Grand se livrait à ses activités littéraires et musicales où il excellait à la flûte, s'essayant en français aux poésies dont se moquait avec tact et élégance Voltaire qui prenait cependant plaisir à corriger entre autres ses erreurs lexicales.
Il s'agit bien ici d'un château de plaisance, chers au XVIIIe siècle, avec un souci de bien-être et de liberté, d'un seul niveau, avec un accès direct à la terrasse et au jardin.
Les photos sont interdites dans les salles maîtresses du château.
Etonnamment, le style rococo est ici assez équilibré et pas trop surchargé.
La salle de concert est décorée de feuilles de vigne, de grappes de raisin, d'un toile d'araignée dorée d'une finesse extrême. Le roi en personne y donnait parfois des récitals de flûte dont on dit qu'il jouait avec finesse et beaucoup de sensibilité.
La bibliothèque où Frédéric II venait se détendre comptes quelques 2000 ouvrages reliés en cuir, tous en français, allant des poètes grecs à Voltaire, avec qui le Roi entretint tout au long de sa vie une relation passionnée mais fréquemment chaotique, teintée d'ombrages et de réconciliations. Les murs lambrissés de bois de cèdre comportent des niches adaptées à la petite taille du roi.
La salle de marbre, toute en harmonie de différentes teintes de marbre blanc de Carrare, s'inspire du Panthéon de Rome.
En assignant à la reine Schoenhausen pour résidence, Frédéric II l'éloigne de lui. Il ne veut plus avoir à charge une épouse pour laquelle il n'éprouve aucun sentiment et qu'il décrit en termes fort peu courtois. Elle ne séjournera jamais à Sanssouci, pas plus que n'y furent admises les femmes écartées du fait de sa misogynie royale. Seule put y séjourner Wilhelmine sa soeur avec qui les profonds liens affectifs ne furent jamais démentis.
Le domaine fut sans cesse embelli par le monarque qui préférait cette résidence à toutes les autres. Le roi de Prusse reçut ici tout ce que l'Europe des Lumières comptait en artiste et philosophes.
Frédéric II aime y organiser des "fêtes de l'esprit" et les nombreux soupers philosophiques à la composition internationale faisaient autorité auprès des autres cours de l'époque.
La société de Sanssouci est exclusivement masculine, jetant un trouble sur les affinités du Roi en matière de relations intimes. Cependant, rien ne prouve à ce jour l'homosexualité du Roi ce que tendent d'ailleurs à nier de récents travaux sur sa très prolifique correspondance.
Les conversations y sont débridées, sans jamais aucun lien avec la fonction royale. Les ministres et les intendants du royaume n'y furent d'ailleurs jamais admis, Frédéric scindant parfaitement les affaires privées de celles de l'état dont il se prétendait avec professionnalisme le premier serviteur.
Despote éclairé, mais ferme partisan de l'absolutisme responsable, Frédéric le Grand est imprégné de culture française et influencé par l'esprit des Lumières du 18e siècle.
Frédéric II convie Voltaire à Sans-Souci et cherchera sans cesse à l'y fixer, cette proximité lui conférant ainsi une aura prestigieuse. Leur relation tapageuse fut à la hauteur de leur admiration réciproque, en témoigne ce portrait sans complaisance dressé par Frédéric : " C'est bien dommage qu'une âme aussi lâche soit unie à un si beau génie".
Le monarque collectionnait des oeuvres d'art de France de Watteau et de Chardin, ses goûts évoluant ensuite vers des tableaux des Ecoles italiennes ou flamandes.
On ne peut que tomber sous le charme des magnifiques gloriettes richement décorées d'ornements dorés.
Les statues somptueuses invitent le regard et expriment parfaitement la majesté des lieux.
L'ensemble domine un jardin à la française, avec ses parterres de broderies et de gazon, une pièce d'eau et ses ifs taillés en pyramides.
Un jardin paysager des plus romantiques assure le lien avec la forêt et confère une harmonie propre à l'élévation spirituelle.
La Galerie des Peintures s'ouvre devant nous tandis que des jardiniers s'activent aux tâches automnales de mise à l'abri des grandes potées.
LA GALERIE DES PEINTURES
Voisine du château de Sanssouci, cette magnifique galerie abrite des tableaux de Rubens, de Van Dick, du Caravage et d'autres peintres de renom.
L'intérieur est réputé somptueux, orné de tableaux de grandes dimensions pour la majorité, recouvrant la quasi-totalité des murs.
Les tonnelles se couvriront au printemps de vignes dont le feuillage éclairera l'ensemble de tons vifs et chatoyants.
C'est à nouveau à vélo que nous parcourons ensuite la forêt pour y dénicher un ravissant pavillon chinois.
LE PAVILLON CHINOIS du Parc de Sanssouci témoigne comme aucune autre construction du goût de l'époque pour les chinoiseries, archétype d'un Extrême-Orient idéalisé.
Cette élégante maison de Thé érigée en 1757 procure une atmosphère plaisante avec ses personnages dorés en costumes exotiques, buvant du thé, dansant et jouant de la musique à l'ombre des palmiers.
Poursuivant notre balade dans cet immense parc, nous découvrons LES BAINS ROMAINS, dans le style de la villa italienne.
Aux abords, les Taxodium distichum (Cyprès chauves) donnent le meilleur d'eux-mêmes en cette saison automnale.
Non loin de là, LE CHÂTEAU DE CHARLOTTENHOF, construit pour le prince héritier Frédéric Guillaume IV et son épouse dans l'esprit d'un manoir de campagne de style baroque.
Ce petit château bénéficiera d'un aménagement intérieur exceptionnel.
La promenade se poursuit au gré de grandioses folies et fabriques qui jalonnent la forêt.
Au détour d'un chemin, LE NOUVEAU PALAIS DE SANSSOUCI se dévoile soudain en appelant nos yeux à une exquise et admirative contemplation.
Frédéric le Grand fit bâtir le Nouveau Palais de 1763 à 1769, lieu de réception des princes royaux et dignitaires importants.
Cet ensemble aux dimensions impressionnantes, offre à la vue un dôme central et une superbe façade ornée de statues en grès.
Ses somptueuses salles d'apparat, les galeries et les appartements royaux sont des témoins exceptionnels et magnifiquement conservés du rococo frédéricien.
Le soleil baisse et les ombres s'allongent, il faut bien plus d'une journée pour découvrir toutes ces beautés et prendre le temps de s'imprégner de la magie des lieux.
Le temps nous manque hélas pour parcourir le Jardin Botanique et les serres de l'Université de Potsdam.
Sur le chemin du retour se dresse sur notre gauche LE CHÂTEAU DE L'ORANGERIE, de style Renaissance.
Il reflète l'amour que portait Frédéric Guillaume IV à l'Italie.
Les nombreuses marches nous attirent comme des aimants et nous les gravissons à vive allure ; le temps presse...
Les plantes viennent d'être hivernées.
Cette atmosphère surannée me transporte un instant dans cette belle époque.
Le jour tombe, il est vraiment temps de rentrer...