La Chartreuse du Colombier - Périgord
A Paunat en Dordogne, je suis tombée sous le charme d'une Chartreuse du XVIIème siècle repensée et décorée avec goût.
L'histoire commence lorsqu'au retour d'Asie, d'Angleterre et des États-Unis le banquier d'affaire Bernard Hautefort décide de s'installer dans sa région d'origine et de racheter la demeure de ses rêves d'antan.
La bâtisse s'étire tout en longueur pour présenter différentes facettes : la façade principale joue plutôt sur une note pavillon de chasse, l'arrière celle d'une noble demeure tandis qu'à l'ouest se retrouve une certaine ambiance Grand Meaulnes.
Bernard repense totalement le jardin et l'organise en différentes atmosphères avec un jardin à la française, un jardin de roses, une grande allée d'arbres nouvellement plantés, des mixed-borders riches d'une belle collection de pivoines, le tout agrémenté de jolies fabriques.
Le jardin fait la part belle aux broderies de buis dessinées ici selon la technique du canivet : une feuille de papier pliée que l'on évide de coups de ciseaux.
Je retrouve une haie de charmille taillée selon le principe du pleaching observé au Château de Losse non loin d'ici et découvert dans les grands jardins anglais.
Derrière cette haie, un chemin mène à la maison du jardinier curieusement appelée maison coloniale.
Jouxtant la maison principale, un tilleul âgé de 400 ans fait l'objet de toutes les attentions.
Une volière avec des colombes s'imposait dans cette chartreuse éponyme mais nous découvrirons les vrais colombiers plus tard !
Les serres d'antan m'ont toujours fait rêver...
De nombreux rosiers jaillissent de toute part et par chance je suis venue aux dates parfaites pour profiter de toute leur beauté !
Je reconnais certaines des roses qui poussent dans mon jardin, le classique et toujours fabuleux 'Ghislaine de Féligonde', 'Albertine' originale par ses boutons bien plus colorés que ses roses et enfin celles chiffonnées et poudrées de 'Sombreuil' exhalant un parfum exquis.
L'échange s'établit facilement avec Bernard Hautefort qui a bien compris mon grand amour des roses. J'apprends ainsi que le nom historique de 'Sombreuil' est Mademoiselle de Sombreuil, en hommage à cette jeune aristocrate héroïne sous la Terreur vouée à boire le sang d'un condamné pour sauver son père de l'échafaud...
En contrebas se dévoile une magnifique roseraie d'inspiration florentine avec ses escaliers, son pavillon, ses statues, ses fontaines...
Nous débattons sur ce magnifique rosier dont le nom nous échappe et me revient inopinément : 'Ballerina'
Ce rosier musqué aux grappes de roses simples ne pousse pas encore parmi mes 260 rosiers, mais je l'ai repéré depuis longtemps !
'Cornelia' quant à lui pousse au jardin de Frescati.
Bernard me surprend avec ce rosier très original issu des pépinières Francia Thauvin, 'Fraise des bois'. Ses boutons pointus ne s'ouvrent jamais. Je suis ravie de pouvoir l'admirer car je ne le connaissais qu'en image.
Au coeur de la roseraie, un joli pavillon de jardin apparaît. Il se singularise par sa décoration intérieure au charme suranné.
De très belles gravures botaniques aquarellées attirent immédiatement mon regard.
Le superbe potager peine à se dévoiler devant la richesse du jardin.
Nous gagnons à présent la grande allée plantée d'érables de Montpellier et d'autres essences. Elle s'étire jusqu'à une élégante fabrique de jardin.
Ce pavillon aux proportions harmonieuses est dédié a sa petite fille en un lieu qu'elle a elle-même choisi.
On y retrouve l'ambiance des anciens cabinets de curiosités qui mélange mobilier ancien et objets de charme sous un précieux lustre dont chacune des fleurs a été offerte par des amis.
Dans cette ambiance bohème du XVIIIème siècle se ressentent le bonheur, l'amitié, le bien-vivre des chartreuses d'autrefois...
Contemplation et sagesse transparaissent ici.
Ouvert par de multiples fenêtres sur le jardin, ce pavillon permet aisément d'observer la faune sauvage et les moutons en contrebas.
Des rosiers Bourbon ornent les pourtours du pavillon.
De retour vers la Chartreuse, le jardin redevient alors plus formel avec ses buis taillés en formes d'oiseaux, aux motifs inspirés des oeuvres de Magritte et de Braque.
Un joli jardin à la française créé jadis par l'épouse de Bernard se dresse sur cette élégante façade arrière de la maison.
Le truculent propriétaire régale ses hôtes d'anecdotes le tournant parfois en dérision, entre autres l'erreur d'une journaliste confondant sa profession avec celle de son jardinier, ancien chauffeur, alors que lui-même n'a jamais su conduire un véhicule !
De superbes portails en fer forgé ornés d'oiseaux nous invitent à poursuivre la visite vers le jardin aux angles flanqués de colombiers.
Une toute autre ambiance de grand naturel et de simplicité émane de la multitude de vivaces et d'une belle collection de pivoines. Nous voici plongés dans l'atmosphère du Grand Meaulnes...
La floraison des pivoines touche à sa fin mais quelques retardataires se laissent encore admirer.
De retour devant la façade principale, je trouve à cette chartreuse des influences italiennes, notamment avec ses très beaux chiens-assis.
Les outeaux sur le toit servaient à la ventilation pour le séchage du tabac.
Un rosier non identifié orne la façade depuis toujours... Ce pourrait être 'Dorothy Perkins', un grimpant hybride de Wichuraiana de 1901 aux pompons roses vifs poussant très souvent dans les vieux jardins.
Je me suis sentie merveilleusement bien dans ce jardin qui reflète le naturel, la simplicité, le raffinement et l'élégance en complément des jardins renommés du Périgord.
Bernard Hautefort en esthète bucolique de l'art des jardins résume bien comment il a pensé celui de la Chartreuse du Colombier : ne pas se prendre pour un jardin de curé ni pour un grand jardin !
Il a trouvé la bonne synthèse pour en faire un lieu tellement attachant...